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lovita/rtemisia

Le fil rouge de mes voyages réels ou imaginés et de ma vie de création, avec une ancienne rose rouge Lovita de Meilland, une rose belle et rebelle, comme moi, un travail artistique sur la mémoire, un hommage . Photographie et dessins quotidiens, haïkus. LovitARTémisia , les mots Love it Art et Artémisia, une femme artiste à la Renaissance. Toute reproduction ou représentation d'une oeuvre de Cécile Carpena doit être accompagnée des mentions suivantes : © Adagp, Paris, 2020 ADAGP Cécile Carpena.

Lettre à une de mes colonnes brisée.

Dessin iPad °52 - Métamorphose

Dessin iPad °52 - Métamorphose

Lettre à  ma colonne brisée, hymne à ma jambe droite.

 

aujourd’hui je m’adresse à toi, la colonne brisée de mon corps.

 

J’ai trois colonnes dans mon corps qui me tiennent debout : ma colonne vertébrale, et mes deux jambes.

 

 

 

Toi qui est venue au monde en même temps que moi, à Antibes,

Toi qui a gigoté dans mon berceau,

Toi qui m’a redressée et a porté mes premiers pas à neuf mois,

Toi qui pendant l’enfance m’a accompagnée jour après jour,

Toi qui a été écorchée lors de mes premières chutes,

Toi qui m’a fait marcher, courir, découvrir mon univers ,

Toi qui a serré les flancs des chevaux pour me faire trotter, galoper, sauter, parcourir des kilomètres dans les garrigues de Provence.

Toi qui m’a fait nager des kilomètres dans la Méditerranée,

Toi qui a rougi et bronzé au soleil avec de l’huile d’olive,

Toi qui m’a fait courir sur le sable chaud de Juan les pins,

Toi qui à l’adolescence m’a fait découvrir la vie,

Toi qui m’a accompagnée vers mes premières rencontres amoureuses,

Toi qui m’a amenée dans les musées à la rencontre de Matisse, Picasso, Miró  et de l’art contemporain à la Fondation Maeght de Saint-Paul-de-Vence.

Toi qui m’a conduite à 18 ans avec ma mini Austin sur un coup de tête dans la nuit, accélérant et freinant, à Florence pour mon premier choc artistique,

Toi qui m’a fait monter les marches du couvent San Marco pour découvrir au matin les fresques de Fra Angelico,

Toi qui t’es dressée pour que je puisse voir de plus près les attributs du David de Michel Ange,

Toi qui t’es adossée comme une colonne dans la cathédrale Santa Maria del Fiore, m’a fait élever les yeux vers le Duomo de Brunelleschi, celui qui a orienté toute ma vie ma problématique artistique et allait me conduire de l’iconographie des anges aux parachutes en corolles,

Toi qui a continué à me faire arpenter tous les Musées d’Europe pour découvrir, analyser, comprendre les chefs d’œuvre et assouvir ma passion de l’art,

Toi qui parallèle aux colonnes des églises gothiques, m’a fait lever les yeux vers le ciel, et les vitraux,

Toi qui m’a soutenue pour regarder le plus longtemps possible le plafond de La Chapelle Sixtine de Michel Ange.

Toi qui à l’âge adulte m’a toujours été fidèle sans faillir, sans te casser, sans te briser dans un accident, même lorsque je t’accrochais sur des skis et que pas très douée pour ce sport j’étais souvent sur les fesses,

Toi qui m’a fait randonner dans l’arrière pays niçois pour découvrir les lacs du Mercantour, la Vallée des Merveilles et ses hiéroglyphes préhistoriques, les sentiers,  les gaves, les cirques de Gavarnie et Troumousse dans les Pyrénées.

Toi qui m’a fait escalader des falaises,

Toi qui m’a roulé dans les vagues en Bretagne, m’a fait découvrir les mégalithes et les menhirs, les roches roses de Ploumanac’h, de Trebeurden, de Tragastel .

Toi qui m’a donné la force de marcher plus loin, et qui a résisté à la fatigue,

Toi qui m’a aidé à porter mon sac, mes valises pour aller toujours plus loin découvrir le monde,

Toi qui m’a permis d’assouvir récemment mes rêves de voyages en Chine et au Japon, à Taïwan, aux Usa.

Toi qui m’a fait descendre des centaines d’escaliers dans les tombeaux enterrés du désert de Gobi sur la route de la Soie.

Toi qui a porté mes pas dans les grottes aux mille bouddhas et éveillé en moi envie de savoir et de comprendre le bouddhisme,

Toi qui m’a mise devant des bouddhas géants couchés dans des grottes depuis des siècles,

Toi qui m’a laissée en larmes d’émotions face au Mont Fuji au Japon, pays étonnant et plein de contrastes que grâce à toi j’ai parcouru.

 

Toi qui enfin avec ta jumelle de gauche à accompagné chaque seconde, chaque minute, chaque instant de ma vie, fidèlement, sans faillir, sans entorse, sans cassure, sans te tordre en grandissant dans ma chair depuis ma naissance.

La seule chose que tu n’as pas trop aimé c’est le Flamenco, tu as trouvé que mes pieds frappaient trop fort le sol pendant le zapateado, ma technique talon-pointe, trop frénétique était un peu violente, mais tu me l’as fait savoir en me lançant un signal me plantant une épine calchanéenne dans le pied droit. Peut-être n’étais-tu pas d’accord pour que je renoue avec mes racines espagnoles, et que je trouve cette mystérieuse sensation du Duende décrite par Federico Garcia Llorca. Pour ne pas te contrarier j’ai arrêté de danser Flamenco et Sevillane, d’ailleurs je n’étais pas très douée non plus et j’ai écouté la musique de Paco de Lucia et tant d’autres en boucle en me contentant de la rythmique et des palmas.

 

Aujourd’hui si je m’adresse ainsi à toi, c’est pour t’expliquer quelque chose d’assez grave.

Tu sais que depuis une vingtaine d’année mon corps qui est notre maison est envahi par des intrus microscopiques, qui ont déjà fait quelques dégâts que j’ai réparé avec des aides extérieures. Mais depuis quelques mois, suite aux difficultés que tu avais à me faire marcher, je me suis aperçue, que ces intrus avaient quitté leur  zone pour aller voir ailleurs et malheureusement c’est chez toi qui sont allés en premier et ont commencé à te grignoter de l’intérieur, sans doute ces petites cellules t’ont-elles trouvé à leur goût car elles ont bien proliféré. Voilà pourquoi depuis bientôt deux mois tu es immobilisée près de moi sur un lit et que tu n’as plus le droit de me porter car tu es devenue si fragile que tu pourrais te casser comme du verre.
Je voudrais t’expliquer quelque chose, jusqu’à présent, quand même plus de soixante ans, nous avons vécu en symbiose, en une parfaite harmonie fusionnelle, je ne t’en ai peut-être pas assez remercié, mais tu était un des piliers de ma maison et contribuait à sa bonne marche tout comme toutes les autres pièces ou organes, le cœur, le fois, la rate, le cerveau, tout ça c’est notre maison, tout fonctionne et quand il y a des dégâts on doit les réparer .

Aujourd’hui on va donc te réparer, et pour cela on a besoin d’aides extérieures parce qu’on ne pourra pas s’en sortir seules toutes les deux, un gentil mécanicien va s’occuper de toi et retirer toute cette partie qui a été endommagée, pour la remplacer par une partie inaltérable en titane, ce matériau avec lequel on construit des navettes spatiales, la classe !

Tu ne sentiras rien, ni moi non plus, on va nous endormir complètement, mais il nous faut inconsciemment coopérer pour que tout se passe au mieux et que les mécanos n’aient pas trop de soucis.

Nous allons imaginer que nous partons en voyage, peut-être sur la lune, avec une fusée en titane et que nous avons une panne qui nous empêche de revenir sur terre, nous avons besoin d’aide et faisons appel à des techniciens qui nous portent secours. Nous devons les aider à réparer la machine.

Nous allons par exemple fermer les arrivées de carburant pour ne pas inonder les zones endommagées et ne pas gêner les réparateurs, là je pense à l’arrivée du sang, n’en envoie pas trop pendant l’opération, pour coopérer le plus possible et que la cicatrisation se fasse mieux.

Ce sera bien sûr une étape difficile que nous devons accepter mais qui nous aidera à nous remettre debout et à revivre comme avant, bien sûr il faudra te rééduquer, te remuscler, toi et aussi ta jumelle qui du coup s’est aussi retrouvée immobilisée en même temps que toi, mais elle va t’aider à reprendra des forces pour que tu te redresses bien vite, moi aussi je mettrai toute mon énergie pour te remettre d’aplomb et te remercier pour tout ce que tu as fait pour moi tout au long de ma vie.

Ce ne sera peut-être pas facile car les intrus ont envahi aussi la colonne vertébrale et le bras droit, et je dois les ménager aussi car ils vont aussi avoir droit à d’autres réparations. Mais ensemble et avec des aides extérieures nous allons réussir à réparer la baraque et à repartir l’année prochaine et pendant encore plusieurs années  vers de nouvelles aventures.

Ne t’en fait pas je vais faire tout ce qu’il faut pour éradiquer ces vilaines petites cellules qui sont devenues folles je ne sais pas pourquoi.

Grâce à toi et à cette immobilisation forcée, j’ai pu faire un flash-back sur ma vie, une sorte d’autobiographie, j’ai beaucoup dessiné sur mon iPad et j’ai publié sur mon blog tous les jours. J’ai fait une sorte de bilan de ma vie et je me suis rendue compte combien elle avait été riche et intense, j’ai eu la chance de côtoyer beaucoup de belles personnes, même des gens connus comme Simone de Beauvoir, Jean Paul Sartre, Picasso, Jean Cocteau, Françoise Gillot et tant d’autres à Paris Raymond Hains, Jacques Villeglé, Pierre Restany etc... J’ai vécu dans des lieux magnifiques chargés d’histoire, tu étais toujours là pour me soutenir.

J’ai revécu jour après jour pendant sept semaines ma vie au petit matin, sans doute aidée par la morphine qu’on m’administrait pour que tu ne me fasses pas souffrir et qui mettait mon cerveau en ébullition pendant mes nuits, je transcrivais au petit matin, vers six heures, tous ces souvenirs qui remontaient à ma mémoire inconsciemment et les mots semblaient couler de source. J’ai alors pensé à Francoise Sagan accro à la morphine jusqu’à la fin de ses jours, et je me suis un peu inquiétée de devenir moi aussi dépendante. Je postais ces textes sur mon blog avec un dessin tracé sur cette tablette magique qu’est l’iPad et je les offrais à tous mes amis réels ou virtuels de FB, parce que je n’avais jamais raconté ma vie à personne, et que j’avais envie de témoigner de manière métaphorique, humoristique et poétique ce que j’étais en train de vivre avec toi. Certains n’ont pas toujours compris ces métaphores  filées et étaient à deux doigts de téléphoner à la police croyant que des squatteurs étaient réellement entrés dans notre maison !

 

J’ai voulu montrer que j’étais forte et positive et je sais que nos amis et ma famille pensent à nous et nous envoient de bonnes ondes. Je les aime tous.

 

 

Mais maintenant je serre les poings pour toi, pour moi, pour que notre maison tienne debout,
 

l’anesthésiste arrive, le voyage commence, on se retrouve dans quatre heures, en salle de réveil, ma  chère colonne ?

 

 

 

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B
Bravo ????????????
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A
Merci Marievonne
A
Merci Babeth
C
belle lettre tres touchante !! bon courage cecile ????????????
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A
Merci Marievonne